Randonnée en pays catalan


Relier Collioure et Cadaqués en enjambant les Pyrénées, cela faisait bien longtemps que j'en avais envie. Cette année enfin nous nous sommes décidés et ne l'avons pas regretté.

Cette randonnée est vraiment très plaisante. Tous les jours, nous partons du bord de mer et une fois arrivés au point culminant, nous apercevons en contrebas le village où nous passerons la nuit suivante et vers lequel le sentier redescend. Une découverte, en somme, de la montagne et du bord de mer

Le sentier commence à Collioure et s'élance vers la célèbre tour Madeloc qui offre un magnifique panorama sur la côte et l'arrière pays. De la haut,  en position dominante, nous remarquons vite que tout autour de nous, sur chaque sommet, sur chaque hauteur, se dresse une tour de guet, un château ou un fort. Laissés en ruine ou restaurés, ces constructions sont le témoin d'une époque beaucoup moins apaisée que la nôtre où il fallait se protéger des invasions. 


Mais ce qui est plus surprenant, c'est la mosaïque de parcelles qui se dessine sur les coteaux des montagnes . En effet, afin de le rendre cultivable, les hommes ont aménagé le terrain  avec des murets de pierres sèches qui délimitent des surfaces plus ou moins grandes mais aussi plus ou moins abruptes. Des rigoles en pierres sèches aussi ont également été construites pour l'écoulement des eaux de pluie. Il semble que chaque menue portion de terrain pouvant offrir un minimum de rendement ait été modelée par les agriculteurs. Si les vignes prédominent côté français, elles ont cédé leur place, côté espagnol, aux oliviers. De ce côté là de la frontière, l'ensoleillement est encore plus généreux et favorise le développement des figuiers de barbarie. Importé du Mexique dans les ports du sud de l'Espagne, ce cactus est progressivement remonté vers le nord du pays. Malgré son caractère invasif, sa résistance au feu et ses qualités nutritives et cosmétiques lui valent de faire l'objet d'un programme de l'ONU.

En regardant vers la mer, passées les longues plages de sable qui s'étirent jusqu'à Argeles, la côte devient plus rocheuse et dessine des jolies anses dans lesquelles se sont développés des petits ports de pêche. Abrités des vents dominants, ces villages avec leur plagette et leurs criques secrètes, s'étagent sur les contreforts des  Pyrénées et leurs ruelles en pente, étroites et fleuries, plongent tout droit dans la mer. Si ces ports sont tous construits sur un modèle similaire, chacun a gardé sa particularité.

Collioure, c'est la petite ville touristique par excellence. On ne se lasse pas d'emprunter la promenade du port jusqu'à l'emblématique église notre dame des Anges et de divaguer dans son centre piéton très animé. Un petit coup d'œil admiratif dans la vitrine d'un artisan, un petit coup d'œil gourmand chez le vendeur d'anchois, spécialité locale par excellence, sans oublier le parcours de peintures à ciel ouvert à travers toute la ville. Car c'est ici que Derain et Matisse, charmés par la lumière des lieux, ont posé leurs chevalets et ont donné naissance au Fauvisme, courant pictural révolutionnaire à l'époque mais qui ne laissa pas indifférents certains collectionneurs d'art avisés.

Port Vendres, qui fut séparé de Collioure voilà bientôt 200 ans, est avant tout un port commercial. Ici, pas de magasins à touristes mais des pêcheurs dont les bateaux sont attendus  avec impatience sur les quais. C'est sur le territoire de cette commune que se trouve le fameux cap Béar et son phare en marbre rose de Villefranche de Conflent. Son accès ne présente aucune difficulté et constitue un lieu de promenade prisé. 

Banyuls est essentiellement connu pour ses vins dont nous faisons d'ailleurs une très bonne dégustation. C'est aussi le lieu de naissance du sculpteur Maillol, célèbre pour ses statues. Certaines de ses œuvres sont exposées dans la ville et d'autres sont à découvrir au musée qui lui est dédié.  Au départ de Banyuls, le sentier "Walter Benjamin" rend hommage à cet intellectuel juif allemand qui a fui le régime nazi et espérait se rendre en Amérique du sud en passant par l'Espagne où il est malheureusement arrêté par la police. C'est ce chemin plutôt sportif et pierreux que nous suivrons toute la journée. Longeant la ligne de frontière, le sentier passe par le mémorial érigé en souvenir des tous les réfugiés espagnols qui ont fui leur pays à la suite de la victoire des nationalistes. 

Port Bou, c'est la première ville espagnole que l'on rencontre après la frontière. L'immense gare nous rappelle le temps où les trains devaient s'arrêter pour la jonction. Cette ville a probablement connu une certaine prospérité mais les nouveaux modes de déplacement ont éloigné les touristes et même si les prix de l'alcool, du tabac et de la maroquinerie restent attractifs, l'activité s'est ralentie et de nombreux bâtiments cossus sont à l'abandon. La ville ne manque pourtant pas de charme avec ses placettes, sa rambla longeant la plage, son architecture typique et son cimetière dominant la mer. En 1940, c'est à Port Bou qu'eut lieu la dernière bataille de la guerre d'Espagne et que mourut Walter Benjamin. Le mémorial qui lui est dédié nous rappelle à quel point les Pyrénées ont toujours été et resteront toujours un lieu de passage pour les migrants.

Une rapide course en taxi nous amène à LLança et ses maisons blanches comme souvent en Espagne. Le petit port de pêche s'est transformé en marina mais le centre historique, à 1 km de la mer, a su conserver son caractère typique, avec sa place centrale ornée d'un magnifique platane, sa tour romane et son église baroque. Au départ de Llança, le chemin s'élève dans les vignes, nous offre un point de vue sur le Canigou avant de nous conduire à l'ermitage Santa Helena et au monastère bénédictin sant Père de Rodes. Des moines y ont vécu du IX siècle  jusqu'au XVIII siècle. Tombé en ruine après leur départ, il est progressivement restauré. Doté de deux tours de défense, de deux cloîtres et d'une église d'une hauteur saisissante grâce à des doubles piliers, il mérite une visite. Avec un dépliant de préférence pour ne pas se perdre dans ses nombreuses pièces et son architecture originale!

Nous arrivons à Port de la Selva par le petit village tranquille et coquet de la Selva. Le port est encore loin et même si lui aussi a des allures de station balnéaire, les jolies barques bien entretenues qui sont accostées sur les quais nous rappellent sa vocation première. Port de la Selva marque le début du fameux cap de Creus, celui-là même que je veux voir depuis de nombreuses années. Aujourd'hui, le balade ne fait que le traverser pour nous conduire à Cadaqués.

Cadaqués! le port doit sa renommée à Salvador Dali venu s'installer dans les années trente dans la petite anse de Portlligat avec sa muse Gala. Entourée d'oliviers, sa maison où ont séjourné des invités de marque attire toujours de nombreux visiteurs. Mais Cadaquès peut être fière aussi de son architecture. De magnifiques maisons richement ornées se dévoilent à nos yeux ébahis. Elles furent bâties par des espagnols partis faire fortune à Cuba et qui rentrèrent au pays en 1902 après que l'île a obtenu son indépendance de l'Espagne. 

Le Cap Creus, point d'orgue de la randonnée, est un véritable enchantement. Dernier contrefort des Pyrénées, il est devenu en 1998 le premier parc national espagnol. Exposée aux quatre vent et aux influences marines, la végétation est pauvre. Peu d'arbres mais essentiellement un maquis d'arbustes de courte taille et touffus. Un vent violent nous empêche de descendre au bord de mer mais on devine un littoral découpé fait de criques, de falaises et de caps escarpés. La plaine de Tudela d'apparence lunaire est particulièrement époustouflante avec ses roches érodées qui ont pris des formes de poisson, de lapin, de dinosaure ou encore de chien selon l'imagination de chacun.

Impossible de quitter cette région sans une escale au Musée Dali de Figueres. Aménagé dans l'ancien théâtre de la ville, il été conçu par le peintre lui-même pour offrir aux visiteurs une expérience unique. Ce musée est foisonnant et regorge d'œuvres variées, peintures, sculptures, mobilier et même bijoux. On ne sait où poser son regard tant il y a à découvrir des murs jusqu'aux plafonds.







Ce fut un plaisir de retrouver cette région, d'emprunter ces chemins sentant bon le fenouil, bordés de chênes liège et serpentant à travers les vignes, de se régaler avec des menus essentiellement composés à partir de produits de la mer, de redécouvrir le goût de la crème catalane et de se désaltérer avec un verre de Banyuls ou une coupe de sangria sous un soleil de fin d'été encore généreux.





 




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